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RÉFUGIÉS, MIGRANTS, DEMANDEURS D’ASILE, IMMIGRANTS : QU’Y A-T-IL DANS UN NOM?RÉFUGIÉS, MIGRANTS, DEMANDEURS D’ASILE, IMMIGRANTS : QU’Y A-T-IL DANS UN NOM?

EUROPE TERRE D’EXIL ET DES MIGRATIONS

Réfugiés, migrants, demandeurs d’asile, immigrants : qu’y a-t-il dans un nom?

 

Par : Mbala Londa Moïse

 

Introduction

         La question de migrations en Europe n’est pas une question récente. Elle date du 20è siècle avec comme soubassement la fin de deux guerres mondiales, l’écroulement des grands empires ainsi que les multiples modifications des frontières qui sont les principaux moteurs de cette crise migratoire (Catala Michel). A ceci, s’ajoute la naissance de certains nouveaux Etats (U.R.S.S et Turquie) qui a provoqué des déplacements des populations fuyant les persécutions de tout genre. L’émergence des régimes autoritaires, la multiplication des révolutions ainsi que le phénomène raciste sont les unes des causes lointaines susmentionnées qui permettent d’appréhender la problématique des migrations en Europe. Ainsi, de ce qui précède, il est important de voir que la question des migrants demeure un problème international beaucoup plus complexe, qui nécessite d’être analysée minutieusement pour tenter d’en dégager les enjeux ainsi que les perspectives futures, à partir d’une lecture transversale des multiples mutations, d’une Europe faisant face aux vagues migratoires exacerbées. Cette question des migrations en Europe se situant au carrefour de l’interdisciplinarité des domaines partagés entre le droit, la science politique, l’histoire, la démographie ainsi que l’économie, nous pousse à analyser les enjeux qui tournent autour des qualificatifs utilisés selon les circonstances pour désigner une personne se trouvant dans une telle situation, et cela, au regard du flou sémantique provoqué par ces qualificatifs.

 

Migrant, Réfugié, demandeur d’asile : Entre inconnu ou étranger?

            En effet, comme nous le dit Alina Miron, professeure de droit public à l’Université d’Angers, “plusieurs qualificatifs servent à identifier un individu se trouvant dans une situation de mouvement au-delà des frontières de son pays à savoir réfugié, personne déplacée, clandestin, sans papiers, immigré, migrant, demandeur d’asile, travailleur transfrontalier, travailleur détaché européen, etc[1].” auxquels viennent s’ajouter d’autres qualificatifs bien précis tel que “migrant économique et environnemental”, dit-elle. De ce qui précède, notre préoccupation, dans cette analyse, est de dégager les enjeux qui se cachent derrière ces qualificatifs qui laissent présager une complexité sémantique voire un amalgame. Ainsi, notre angle d’attaque se limite à savoir qui et quand est-ce qu’on est qualifié comme tel? Comprendre le pourquoi de ces qualificatifs? Et si possible, identifier les conséquences qui peuvent en découler.

Comme nous l’avions signalé dans la partie introductive, la question migratoire est un problème international complexe. Ainsi, le droit international est le mieux placé pour appréhender minutieusement cette question, appuyé dans une certaine mesure par le droit européen ainsi que le droit national, vu que l’accès au territoire national reste l’une des compétences régaliennes. A la question de savoir si un migrant est un inconnu ou un étranger, l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques/I.N.S.E.E y répond avec précision : “est immigré, toute personne née étrangère ou à l’étranger et résidant en France[2]. Ensuite, “est étrangère, toute personne ne possédant pas la nationalité française[3]. De ces deux définitions, deux enjeux peuvent être dégagés, notamment celui de se prévaloir la qualité d’autochtone pour toute personne qui aurait reçue la nationalité par naturalisation, mais aussi ces définitions permettent de rendre permanent la qualité d’immigré même quand un individu a obtenu la nationalité du pays vers lequel il a migré. L’individu, malgré tous les droits auxquels il pourra bénéficier suite à l’obtention de la nationalité par naturalisation, fera toujours partie de la population immigrée. Ces définitions à la française ne font, en aucun cas, allusion aux papiers voire à la manière dont l’individu est arrivé à atteindre le pays de destination. Mais, elles se réfèrent par contre au pays de naissance et à la nationalité de naissance, pour tenter de déterminer ce qu’on entend par immigré et/ou étranger. Faisant référence à la définition du terme “migrant” par l’ONU lors d’un entretien accordé à Laure Cailloce du Journal-CNRS, Cathérine Wihtol de Wenden, politologue et spécialiste de la migration, précise qu'un “migrant, selon la définition de l’ONU, est une personne née dans un pays et qui vit dans un autre pays pour une durée supérieure à un an, quelles qu’en soient les raisons[4], c’est une catégorie générale à laquelle appartiennent notamment les réfugiés, mais aussi les étudiants étrangers ou les travailleurs venus d’autres pays. Ce qui revient à dire qu’un migrant, de par son étymologie, et au regard de ces deux définitions sus évoquées, n’est pas une personne inconnue. Il est bien identifié soit par sa nationalité de naissance, soit par son pays de naissance bien qu’il n’est reconnu encore moins protégé par aucun texte international à caractère obligatoire. Cependant, le Haut Commissariat pour les Réfugiés/HCR, qualifie d’un migrant “un individu qui choisit de quitter son pays surtout pour tenter d’améliorer sa vie”. En procédant au diagnostic de cette définition du migrant par le HCR, bien qu’aucun texte international ne l’admet comme tel, nous avons retenu deux dimensions qui motivent une personne, qualifiée de migrant, à quitter son pays à savoir une dimension physique ou matérielle, et une dimension morale. De nos analyses de cette définition du HCR, nous avons compris qu’un migrant se sent physiquement dans une carence voire un déficit matériel, ainsi, devenant moralement frustré, se décide de quitter son pays, qui ne lui inspire plus confiance, et partir à la quête du bien être physique dans d’autres contrées du monde. C’est ce que d’ailleurs certains chercheurs en sciences sociales et nous-même avons qualifié de “paradis perdu[5]. Ainsi, nous remarquons que se limiter à la “dimension volontaire” comme motivation du migrant pour quitter son pays, c’est tenter d’ignorer d’autres dimensions plus importantes qui viennent féconder la première. Revenant sur la définition du concept “migrant” tel que défini par l’ONU et repris par Catherine, celle-ci ne fait nulle part allusion à la dimension “volonté personnelle”. Elle fait plutôt référence au pays de naissance de l’individu, ensuite au pays de destination et/ou d’accueil, et enfin à la durée de séjour qui peut aller jusqu’à plus d’un an, peu importe les raisons de son déplacement. Cette définition, comme nous l’avons constaté, se refuse de reconnaître la dimension économique ou volontaire qui sont collé au concept “migrant”. Il est d’ailleurs évident, comme le dit Alexandre Pouchard, que “les réfugiés ou les migrants en Europe ces dernières années, viennent principalement de pays en proie à des guerres civiles largement reconnues sur le plan international[6], mais aussi des pays sous des régimes autoritaires dans lesquels la mise en pratique des règles de droits de l’Homme et de principes de la démocratie reste à désirer. Ainsi, tenant compte de cette dimension d’instabilité politique grandissante dans ces pays, le Haut Commissariat pour les Réfugiés cité par Alexandre Pouchard, précise que “la capacité de mener un entretien personnel d’asile avec chaque personne ayant traversé la frontière n’est suffisante et ne le sera jamais. Cela ne s’avère d’ailleurs pas évidente”; ces groupes sont alors dits réfugiés prima facie, c’est à dire qu’ils n’ont pas besoin d’apporter la preuve de persécutions. C’est dans cette perspective que Catherine Wihtol de Wenden ajoute que beaucoup de pays comme le Soudan, notamment, sont à l’origine de flux mixtes, politiques et économiques : la situation politique y est éminemment instable, et la situation économique est catastrophique, en partie à cause des violences politiques. Difficile dans ces conditions de distinguer le migrant purement économique du réfugié. Il arrive d’ailleurs régulièrement que des demandeurs d’asile dont la requête a été rejetée ne fassent pas l’objet de mesures de retour dans leur pays d’origine, car celui-ci est jugé trop dangereux”.

Cependant, contrairement au réfugié qui, d’ailleurs, est protégé par des textes internationaux (la convention de Genève de 1951 relative au statut de réfugié ainsi que le protocole de 1967), et à qui on reconnaît internationalement le droit de quitter son pays car fuyant les persécutions, et jouissant, de ce fait, du principe de non refoulement dans le pays d’accueil, le migrant quant à lui, est abandonné à son triste sort ne sachant plus à quel saint se vouer. Il n’est protégé par aucun texte international, ce qui l’expose aux aléas de la vie. Associer le terme migrant avec la cause économique en référence de 2941 conventions internationales adoptées par l’Organisation Internationale du Travail et relatives aux travailleurs migrants, est un choix subjectif dépourvu de toute objectivité. Car, la motivation du réfugié de quitter son pays vers un autre pays étant d’ordre physique et moral, il en est de même pour un migrant qu’on qualifie de migrant économique ou clandestin. Tous les deux (réfugié et migrant) sont à la quête du bien être physique et moral (de l’assurance, de la paix intérieure et extérieure, du secours, etc.). Tous les deux ont été frustrés par telle ou telle autre situation. Les persécutions ne sont pas nécessairement d’ordre physique comme on l’appréhende lorsqu’il s’agit de justifier le cas d’un réfugié. Il peut être aussi d’ordre moral, voire matériel. Car, une fois qu’un individu se sent en insécurité économique, ceci peut être considéré comme une espèce de persécution morale, qui ne vient pas toute seule, mais accompagnée d’autres aléas de la vie tel que la famine, le manque des soins médicaux, le manque du minimum de biens matériels pouvant se solder par la mort de la personne victime. Voilà pourquoi, dans tous les deux cas, on est soumis à une prise en charge psychologique lorsqu’on a atteint sa destination.

 

Quid des conséquences pour le statut de migrant?

            Les conséquences qui ressortent du statut de migrant sont multiples et des plusieurs ordres. Elles sont d’abord d’ordre social, ensuite d’ordre moral, et enfin, d’ordre juridique et politique, que nous allons tenter de résumer dans quelques lignes subséquentes. Ainsi, malgré l’adoption, en 1990, par l’ONU de la convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants, malheureusement ratifiée que par les pays d’origine des migrants, face à laquelle on enregistre une forte abstention des pays d’immigration et développés, car allant à l’encontre de leurs intérêts majeurs, la vulnérabilité spécifique des migrants qui travaillent reste évidente. Le droit international s’abstient de prendre en compte cette vulnérabilité bien qu’elle est vraiment réelle. A l’absence d’une convention universelle sur les migrants, il n’existe aucune protection spécifique. Le migrant, qu’il soit travailleur ou non, bénéficie uniquement du droit universel de l’Homme (comme le droit à la vie, l’interdiction à la torture, qui reste d’ailleurs à désirer au regard des controverses qui tournent autour de cette question actuellement). A ceci, s’ajoute les listes élaborées par les pays d’immigration et développés, reprenant les pays dont les demandes d’asile des ressortissants de ces derniers sont rapidement rejetées, et cela, depuis la directive européenne de 2005 concernant les procédures d’octroi du statut de réfugié dans les États membres à savoir, pour la France, une liste de 16 pays parmi lesquels figurent le Bénin, le Ghana, le Sénégal, le Cap Vert, la Bosnie, la Macédoine, l’inde, etc. Cependant, la France n’est pas la seule à avoir élaborée une telle liste, douze autres pays membres de l’Union Européenne ont emboîté le pas, parmi lesquels l’Irlande avec une liste d’un seul pays, le Royaume Uni,alors membre de l’Union, avec une liste de 26 pays. A partir de ces exemples, nous pouvons retenir que le droit international ne se fait pas avec le bon sentiment, mais en prenant en compte les préoccupations et intérêts respectifs de toutes les parties prenantes, ce qui exposent ces migrants aux dangers de tout genre.

 

[1] Alina Miron, “Europe terre d’exil : Les statuts des migrants en Europe”, in Alliance Europa, L’Europe en crise dans la mondialisation.

[2] Alina Miron, idem.

[3] Idem.

[4] Laure Cailloce, “Migrant, réfugié : quelles différences?, disponible sur https://lejournal.cnrs.fr/articles/migrant-refugie-quelles-differences, consulté le 23 novembre 2017.

[5] Le paradis perdu comme nous l’appréhendons ici , est le fait pour un individu de se dire comme ça ne va pas chez moi, allons voir ailleurs où c’est mieux qu’ici. Et une fois que le périple entamé, on se rend compte qu’on était mieux chez soi que chez autrui. Tel est l’adage, “on est mieux que chez soi”.

[6] Alexandre Pouchard, “Migrant ou réfugié : quelle différence?, disponible sur http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/08/25/migrant-ou-refugie-quelle-difference_4736541_4355770.html#wPxukP55tJIHJUo2.99, consulté le 23 novembre 2017.

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